/ 20 Les couleurs de la mémoire The colors of memory Los colores de la memoria Olga de Amaral Extrait de la conférence “Le lieu de mon imaginaire”, donnée au New York Metropolitan Museum of Art le 24 avril 2003. Depuis mon enfance jusqu’à l’exécution de mes plus récentes œuvres, j’ai toujours été habitée par la couleur, et je cherche encore à comprendre le mystère de son âme [...] Lorsque j’ai commencé à utili- ser la feuille d’or dans de petits formats comme Fragments complets , j’ai commencé aussi à peindre les fibres avec de la pein- ture acrylique et à appliquer du plâtre. Très rapidement il m’apparût évident que non seulement je gagnais en terme de couleur, une immédiateté et une in- tensité mais aussi que je pouvais utiliser ces matières pour modifier physiquement l’aspect tridimensionnel de la fibre elle- même. J’arrivais à épaissir chaque brin, à faire des assemblages de fibres ou de fils d’une extrême variabilité à la fois par la couleur ou par la consistance. L’applica- tion de la peinture me donnait une liberté supplémentaire dans le rendu final de mon travail. Je pouvais corriger, changer à tout moment, recomposer librement; mon travail n’était plus entravé par les procédés textiles et mes idées se trouvèrent enri- chies par la simultanéité des différents pro- cédés. L’application de la peinture prenait une dimension plus intense, laissant l’or, la couleur ou la texture briller d’une ma- nière que je n’aurais pas pu obtenir avec des fibres déjà colorées. Pour moi, l’aspect physique de la cou- leur n’est pas seulement ce qui me séduit. La couleur est un langage commun à toutes les cultures. Je préfère utiliser les couleurs que l’on utilisait dans les arts et l’artisanat anciens qui relèvent de procédés alchimiques et évolutifs. Je préfère utiliser les vieux rouges comme on peut en voir sur les céramiques primitives, corps hu- mains ou les sous-couches de l’époque coloniale, servant de base pour appliquer la feuille d’or. Je préfère les couleurs de la terre, les bleus et les verts des paysages. La couleur m’aide à prendre du recul par rapport à mon travail afin d’ajouter différ- entes significations à la tapisserie. From my earliest days to my most recent pieces I have always been inhabited by color, yet I am still looking for its mysterious soul [...].When I began experi- menting with gold-leaf in the small series of Complete Frag- ments , I also began to paint fibers with acrylic paint and gesso. Soon it became apparent to me that not only did I gain imme- diacy and intensity with color, but I also could use it to change the physical, three-dimensional traits of fiber itself. I could make each string thicker, I could make clumps of fibers or threads with extreme variability in both color and weight.Applying color with paint gave me additional freedom with the final surfaces of my work. I could correct, change at any stage, recompose with freedom; pieces were no longer restricted by textile procedures and ideas were enriched by the simultaneity of different process- es. Paint also permitted a richer sense of layering, letting gold, color or texture shine through in a manner I could not obtain with color-dyed fibers. For me, the physical traits of color are not its only appeal. Color is a language common to all cultures. I prefer colors used in ancient arts and crafts that rely on alchemical or transformative processes. I insist on using reds used in primitive ceramics, body decoration or as underpainting when applying gold-leaf during colonial times. I insist on earth colors, on the blues and greens of landscape. Color helps me distance myself from the surface to add different meanings to my work. Desde mis días inciales siempre he estado habitada por el color, pero aún sigo buscando su alma misteriosa [...]. Al tiempo que empece a experimentar con pan de oro en una pequeña serie llamada Fragmentos Completos , también empezaba a ensayar pintando las fibras textiles con gesso y acrílico. Pronto se me hizo aparente que no solo ganaba inmediatez e intensidad con el color, sino que también podía usar la pintura para cambiar las cualidades físicas y tri- dimensionales de la propia fibra. Podía hacer atados de fibras, podía engrosar cada hebra, o darle variabilidad extrema tanto de color como de peso. Al aplicar el color por medio de la pintura logré más libertad frente a la superficie final de mi obra. Me permi- tía corregir en cualquier etapa, recom- poner con plena facilidad. Las obras ya no estaba limitadas a los procedimien- tos textiles tradicionales y las ideas se enriquecieron por la simultaniedad de los distintos procesos. La pintura tam- bién facilitó una mayor sensibilidad en la construcción de capas dejando que el oro, el color o las texturas traslucie- ran de una manera que antes no podía por medio de la fibra teñida. Para mi los atributos físicos del color no son su único atractivo. El color es el lenguaje de todas las culturas. Prefiero los colores usados por las artesanías de culturas antiguas que dependen de procesos alquímicos o transformativos. Insisto en el uso de rojos utilizados en cerámicas primitivas, para pintar el cuerpo humano o como base para la aplicación del pan de oro en la época colonial. Insisto en colores de la tierra, los verdes y azules del paisaje. El color me permite distanciarme de la superfi- cie del tapiz para añadirle otros signifi- cados a mi obra.
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